Samedi 8 septembre, Beatriz Velez, directrice adjointe de l'AF de Cartago (succursale de celle de Pereira) fêtait les 80 ans de son grand-père. Elle nous avait fort gentiment invités à participer à l'événement avec environ 150 autres personnes de sa famille. Il faut dire que cette fête, elle l'avait co-organisées avec sa mère de passage en Colombie pour 1 mois. En effet, cette dernière travaille à Paris comme concierge dans un immeuble du 16ème arrondissement depuis plus de 30 ans. Cela lui a permis d'acheter une "finca" (ferme traditionnelle de la région du café) dans la région de Santa Rosa, à 20 minutes de Pereira, en attendant de pouvoir s'y retirer pour sa retraite. C'est là que nous étions invités.
Un petit détail, cet anniversaire était thématique et le thème de la soirée, vous l'aurez deviné en jetant un coup d'oeil sur la photo ci-dessus.
Présentées ainsi, les choses paraissent simples. Mais nous sommes en Amérique Latine et les choses furent, en réalité, assez compliquées, surtout quand, comme nous, on ne s'est pas encore décidé à acheter de voiture. En effet, il nous a d'abord fallu partir en bus depuis Pereira. Bus qui nous a descendu sur la place principale (place Bolivar évidemment) de la ville. Là, nous devions être rejoints par 3 autres personnes. Puis, Beatriz devait ensuite nous faire chercher par quelqu'un qui devait nous amener jusqu'à sa "finca", située à 10 minutes de là. Le rendez-vous était prévu à 14h30. Nous sommes arrivés vers 14h50, un peu inquiets à l'idée d'être en retard. Il faut dire que le bus qui nous conduisait à Santa Rosa avait un détour dans toutes les petites ruelles étroites et à peine bitumées de Dos Quebradas, dans la banlieue de Pereira, afin de se délester de quelques clients et dans l'espoir dans récupérer d'autres.
Bref, la jonction avec les autres invités se fit bien aux alentours de 15h00. Un coup de fil à Beatriz qui nous annonce qu'elle nous envoie quelqu'un. Nous nous installons sur les marches de l'Église en nous disant qu'il y en avait pour 10 minutes. Le tout dans un vacarme ahurissant; vacarme dû à la proximité d'un podium diffusant des chants à la gloire du futur candidat comme "gouverneur de la la Région". Les élections municipales et régionales sont en effet prévues le 28 octobre prochain et la campagne bat son plein. Or, en Amérique latine, quand il y a des élections: ça fait du bruit, beaucoup de bruit, encore plus de bruit qu'en temps normal : c'est dire !
Il était donc difficile de communiquer entre nous. Alors, nous avons décidé, au bout de 15 minutes, le véhicule chargé de nous récupérer n'arrivant pas, de nous réfugier dans l'Église. Un hâvre qui nous a permis de nous reposer les tympans et à Lila de donner libre cours à son mysticisme naissant. Il a fallu en effet que nous fassions des stations devant toutes les statues représentant des saints, des saintes, des jésus enfants, des jésus adultes, des Jésus crucifiés, des vierges de tous ordres. Bref, ce fut une sorte de "grand oral" ou de "trivial pursuit"`pour glaner des camemberts "religion". Je crois que je ne m'en suis pas mal sorti finalement, en faisant des réponses simples. J'ai d'ailleurs assez bien apprécié cette église. Peu attrayante vue du dehors : béton armé, crépi en façade, peinture bleue deux tons, pur style années 70, mais assez vaste et aérée à l'intérieur. La nef, recouverte de bois est d'un assez bel effet et même les colonnes pourtant en béton, avec leur peinture imitation bois auraient pu donner l'illusion du vrai bois.
Bref, cette petite demi-heure passée dans l'église, nous sommes ressortis pour retrouver le podium qui diffusait une sorte d'hymne spécialement composé à la gloire du candidat à la "governaciön": Rafaël je ne sais plus quoi. Mais toujours pas de chauffeur à l'horizon. Il était alors aux alentours de 15h45. Les petits commençaient à s'impatienter, tout comme Géraldine qui commençait à comparer la Colombie au Pérou et la situation que nous étions en train de vivre à celles que nous avions si souvent vécue là-bas. C'est dire !
Heureusement, il se passe toujours quelque chose dans la rue dans ces pays-là. En effet, peu de temps après, notre attention fut retenue par une cohorte de cavaliers défilant à la manière des cow-boys des westerns de John Ford dans les rues en poussant des cris à la gloire du candidat politique qui avait ainsi préparé son show : d'abord, la musique populaire, puis le défilé des propriétaires terriens et enfin une cohorte de voitures klaxonnant à tue-tête comme lors d'un mariage chez nous. Si vous rajoutez à cela, l'écho des chansons diffusées sur le podium qui se répercutait sur les murs situés de l'autre côté de la place et qui venait comme se superposer avec retard à la musique diffusée, vous aurez une idée de ce que je veux dire par : l'Amérique Latine, c'est bruyant".
Pendant que je prenais des photos de l'événement, Géraldine faisait tourner les enfants sur des manèges qu'elle jugeait "miteux". Et toujours pas de Beatriz alors qu'il était 16h15 bien sonné. Nous étions d'autant plus inquiets que nous n'avions rien prévu pour passer la nuit dans la Finca. Et nous commencions à nous demander si nous n'allions pas faire demi-tour après avoir passé l'après-midi sur la place de Santa Rosa.
Ce n'est finalement que vers 17h00 et après 3 ou 4 coups de fil à Beatriz que nous avons vu arriver une "Jeep Willy's". "LA Jeep Willy's" : la vraie ! celle qui date des années 50. LE moyen de locomotion traditionnel de la région du Café. Géraldine, ne voyait pas ce transport du même oeil que moi. Rompue aux voyages sur les plates formes de pick-up depuis son séjour en Afrique, elle ne semblait pas goûter l'exotisme de la situation. Il faut dire que nous avions aussi deux enfants de moins de 4 ans à loger dans cette "auto" au confort rudimentaire. Finalement nous embarquâmes à 5 adultes + 2 enfants sans compter le chauffeur dans le véhicule. Géraldine, d'abord à l'arrière, passa finalement devant avec les deux enfants non sans avoir auparavant bousillé le seul pantalon valable (acheté chez "Esprit") dont elle dispose ici en Colombie. La raison : la peinture qui maculait la partie métallique servant de banquette.
Mais nous n'étions pas au bout de nos peines ! Le chauffeur, pèu après avoir démarré s'arrêta quelques rues plus loin pour, nous dit-il, faire une course dont on l'avait chargé. Au bout de 15 minutes, celui-ci n'était toujours pas revenu. Nous avons donc commencé à klaxonner comme des bruts dans l'espoir de le voir revenir. Ce qu'il fit effectivement deux ou trois minutes plus tard sans que l'on comprenne vraiment où et pourquoi il s'était arrêté. C'est ainsi en Colombie, il y a des jours où il vaut mieux ne pas chercher à comprendre...
Finalement nous partîmes enfin pour la Finca. Et là, j'ai commencé à apprécier notre sortie. D'assis, je me suis mis debout, "à la Colombienne", ne me tenant qu'à la galerie qui se trouvait sur le toit de la cabine du chauffeur. La sensation est enivrante : les cheveux au vent, la route qui peu à peu et au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la ville s'ouvre sur des paysages et des panoramas somptueux. Puis, c'est la route principale que l'on quitte, les petits sentiers de montagne défoncées que l'on emprunte, ne croisant plus que des jeep Willy's qui trouent momentanément la tranquillité des lieux. Et toujours ces paysages de montagnes, toujours ces fincas noyées dans la végétation tropicale. Et toujours, au détour d'un sentier, des ouvertures sur les grandioses paysages des Andes centrales, couvertes de plantation de café et parsemées de petite fermes accrochées à flanc de collines.
"Por fin", nous arrivâmes sur les lieux de la fête. Un poster de Charlie Chaplin en signalait l'entrée. A peine descendus de jeep, on nous indiqua que le point névralgique de cette réunion de Charlots se situait en contrebas. Mais nous n'eûmes même pas le temps d'entamer l'ascension que déjà nous étions empoignés et propulsés en salle de déguisement et maquillage. En deux temps trois mouvements, je me retrouvai avec une canne dans la main, un chapeau melon de taille réduite sur la tête et d'un veston noir qui me donnait déjà un allure de "proto-Charlot". Le maquillage, dura un peu plus longtemps. Il est vrai que la maquilleuse arborait un vaste décolleté qui faisait ressembler la vallée du Cauca toute proche à un gorge étroite. Alors que le minimum syndical était la moustache, j'exigeai en plus de cela le maquillage des sourcils qui m'obligeait à baisser le regard. Elle me demanda si je souhaitais qu'elle continue en me faisant les yeux mais je déclinai l'offre : ç'eût été de la gourmandise. Que le lecteur qui ne connaît pas la Colombie ne porte pas de jugement hâtif sur cette situation. Il est de bon ton en Colombie, en effet, que les femmes mettent en évidence leur seins. Il faut faire attention, on n'est jamais sûr que l'un d'eux ne va pas vous sauter à la face... Donc, toujours garder un oeil dessus.
Bref, comme je me plais à l'écrire en guise de transition, une fois cette séance de maquillage effectuée, Géraldine ayant elle-même dû se coiffer d'un bérêt, nous pensâmes que nous pouvions descendre. Mais, encore une fois, nous fûmes retenus, par la photographe cette fois-ci pour la photo souvenir. Deux clichés, et hop ! nous entamâmes, contre vents et marée cette fois, notre descente vers le lieu de la fête.
Mais tu comprendras, lecteur que j'ai déjà suffisamment assommé avec le récit des prémisses de la fête que celle-ci ne revêt qu'un caractère anecdotique. Le sel de cette journée, nous ne le savions pas, était dans tout ce qui précédait. Tu me permettras donc, indulgent lecteur, de te faire un résumé de ce qui suit : la rencontre d'une cinquantaine de Charlots tous plus réussis les uns que les autres (je trouve pour ma part que je ressemble davantage à Raimu qu'à Charlot), les mains serrées de gens que je ne connaissais pas et qui ne se présentaient pas (d'où des dialogues de sourds), des enfants qui ont dansé la salsa et on fait les fous sur des terrasses surplombant des pentes vertigineuses, deux bières. Mais, au milieu de tout cela, le coucher de soleil sur des paysages de montagnes recouvertes de "platanos" et de caféiers et l'accueil toujours extraordinaire de la très croyante Beatriz (bien que vêtue ce soir-là comme pour se rendre dans un club libertin!), de son mari et de sa maman.
La Colombie quoi ! Un zeste de désordre, beaucoup de salsa, et un petit grain de folie.